Présents : Corinne CHAFFENET, Marie-Claude DERRIEN, Christiane HERBAULT, Susan WALTER, Patrick DERRIEN et Franck MASSÉ.
C’est par une belle journée estivale que ce petit groupe d’amis naturalistes, férus d’aventures végétales en tout genre, s’est donné rendez-vous en forêt à Chambourg-sur-Indre.
Le milieu, frais et ombragé, se prête fort bien au thème du jour : les fougères et les mousses. Au grand dam des belles dicotylédones, couleurs chatoyantes s’abstenir !
La géologie apporte quelques indications utiles à nos pérégrinateurs ptéridologiques : ici les sols se sont développés dans une craie blanche à silex (ou « Craie de Blois », mentionnée C4-6B sur les cartes géologiques). Peu épaisse, c’est une craie typique, blanche à silex gris ou blonds épars. La fraction argileuse est formée de montmorillonite et d'une faible proportion de kaolinite ; peu de fossiles y sont trouvés. Ce substrat influence la nature de la flore, qui se compose ici d’espèces affectionnant surtout les milieux calcaires (camérisier à balai, cornouiller sanguin, fusain d’Europe, etc.).
Nous abordons d’abord un petit fossé, d’où émergent les quelques espèces suivantes :
DESCRIPTION : Fronde souple de couleur vert tendre, de 40 cm à plus d’un mètre de haut, avec un pétiole écailleux. Le limbe est divisé 2 fois. Les pinnules sont régulièrement disposées, oblongues et finement dentées. Les sores sont ronds, recouverts par une indusie réniforme très recourbée et s’inscrivant pratiquement dans un cercle.
DESCRIPTION : Fronde de 40 à 80 cm au pétiole peu écailleux, divisée 3 fois. Les pennes inférieures présentent une dissymétrie marquée. Sores ronds avec une indusie réniforme, comme chez les autres Dryopteris.
DESCRIPTION : Fronde de 30 à 120 cm de haut, avec un pétiole court et un rachis rougissant souvent à la lumière. Le limbe est fin et délicat, divisé 2 à 3 fois et avec des pinnules dentées profondément. Les sores sont généralement arqués (en forme de « J ») et sont recouverts d’une indusie latérale à bordure frangée.
DESCRIPTION : Plante ressemblant beaucoup à la fougère mâle, mais s’en différenciant par les critères suivants :
- Le limbe est coriace et luisant, les pinnules sont peu dentées.
- La présence d’une tache noire à la base de l’axe des pennes (au niveau de leur point d’insertion avec le rachis) est un critère discriminant propre à ce groupe.
- Pétiole et rachis beaucoup plus écailleux (écailles roussâtres à noirâtres)
- Pinnules non ou très peu dentées.
En pied de versant à proximité, le sol plus sec et désaturé en surface se couvre de Fougère aigle (Pteridium aquilinum), espèce très courante en forêt.
A pied d’un chêne, une espèce commune de champignon, la Collybie à pied en fuseau (Collybia fusipes), montre ses carpophores caractéristiques, aux pieds effilés à la base et de couleur lie de vin. Il s’agit d’un agent pourridié racinaire de feuillus, principalement des chênes. Le champignon atteint le cambium et dégrade le bois de la racine des arbres ; toutefois, son développement est très lent et les chênes peuvent supporter durant de longues années des infections racinaires.
Quelques spécimens d’une autre espèce de champignon, l’Amanite à voile jaune (Amanita franchetii) sont pris en photo par nos amies naturalistes.
Nous progressons ensuite le long d’un talweg, toujours sous couvert forestier, près d’un ruisselet intermittent où l’on rencontre à nouveau la fougère femelle (Athyrium filix-femina), le Dryoptéris de Chartreuse (Dryopteris carthusiana), ainsi que la Scolopendre (Asplenium scolopendrium).
Enfin, nous parvenons à un très beau site de Dryoptéris écailleux (Dryopteris affinis subsp. affinis), établi le long d’un petit fossé. L’humus doux de forme mesomull à eumull traduit une bonne activité biologique du sol : la minéralisation de la matière organique est en effet rapide sur ce substrat frais et bien chargé en éléments chimiques naturels (milieu carbonaté).
La Fougère mâle (Dryopteris filix-mas) côtoie ce rond de D. affinis. La présence de très grandes frondes (effet hétérosis) et l’aspect terne des taches situées à l’aisselle des pennes avec le rachis, portent à croire que certains pieds, aux caractères intermédiaires, pourraient être issus du croisement naturel entre Dryopteris affinis subsp. affinis et Dryopteris filix-mas.
Le schéma d’hybridation serait alors le suivant :
D. filix-mas (4n) x D. affinis subsp. affinis (2n, apogame) -> Dryopteris x complexa nothosubsp. complexa (tétraploïde)
Cette hypothèse demande à être vérifiée dans le courant de l’été, à partir de frondes fraîches portant des spores matures. L’examen au microscope permettra de confirmer s’il existe des sujets hybrides (= spores avortées à 90%, de forme irrégulière,) ou bien uniquement des pieds de D. affinis (= spores de forme régulière, viables).
Au retour, nous croisons la Prêle des Champs Equisetum arvense (L.), dans une friche herbacée près d’un très bel étang :
DESCRIPTION des tiges végétatives stériles : le premier article des rameaux est plus grand que la gaine de la tige. La section des rameaux a 4 côtés. La gaine de la tige est verte avec de nombreuses petites dents pointues et foncées à leur extrémité.
Dryopteris filix mas © F. Massé 
Dryopteris filix mas © F. Massé 
Dryopteris carthusiana © F. Massé 
Dryopteris carthusiana © F. Massé 
Dryopteris carthusiana © F. Massé 
Dryopteris carthusiana © F. Massé 
Athyrium filix femina © F. Massé 
Athyrium filix femina © F. Massé 
Pteridium aquilinum © F. Massé 
Asplenium scolopendrium © F. Massé 
Amanita franchetii © C. Chaffenet 
Collybia fusipes © MC. Derrien 
Dryopteris affinis subsp. affinis © F. Massé 
Dryopteris affinis subsp. affinis © F. Massé 
Dryopteris affinis subsp. affinis © F. Massé 
Equisetum arvense © F. Massé 
Dryopteris x complexa © F. Massé 
Atrichum undulatum, Polytrichastrum formosum et Eurhynchium striatum © MC. Derrien 
Centrotus cornutus © S. Walter 
Episyrphus balteatus © S. Walter 
Nymphalis polychloros © S. Walter 
Platycnemis pennipes © S. Walter
D’autre part, plusieurs espèces d’insectes sont observées près de la zone humide : Centrotus cornutus, Argynnis paphia, Boyeria irene, Melanargia galathea, Apoderus coryli, Episyrphus balteatus, Nymphalis polychloros, Platycnemis pennipes (Identification : Suzan WALTER – Référente « Insectes » de l’association). Voir photos en fin d’article.
Quelques lichens ont également été rencontrés sur le parcours forestier, essentiellement sur les troncs des arbres : Graphis scripta, Graphis pulverulenta, Coniocarpon cinnabarinum (sur noisetiers), Phlyctis argena, Parmotrema perlatum, Parmelia sulcata, Flavoparmelia caperata (sur chênes), Hypogymnia physodes (sur pin maritime), Cladonia coniocraea et Chaenotheca ferruginea (sur pin maritime), Normandina pulchella sur merisier (Identification : Marie-Claude DERRIEN – Référente « Lichens » de l’association).
Des espèces communes de mousses à la surface du sol reflètent quant à elles les conditions de pH proche de la neutralité (Eurhynchium striatum, Brachythecium rutabulum, Fissidens taxifolius), de bonne fraîcheur (Plagiomnium undulatum) et de calcaire actif (Ctenidium molluscum). Des espèces acidiphiles à large amplitude témoignent néanmoins d’une désaturation possible du sol en surface (Polytrichastrum formosum, Mnium hornum). Les cortèges corticoles classiques sont observés sur troncs de chênes : Isothecium alopecuroïdes, Isothecium myosuroïdes, Homalothecium sericeum, Hypnum cupressiforme, etc. (Identification : Franck MASSÉ – Référent « Mousses et fougères » de l’association).
La tournée botanique se termine vers 17h30, après un rafraîchissement et une petite collation bien mérités !
Franck MASSÉ
Association de Botanique et de Mycologie de Sainte-Maure-de-Touraine
Avec les contributions photographiques de Corinne CHAFFENET, Marie-Claude DERRIEN et de Suzan WALTER.
L’Association de Botanique et de Mycologie de Sainte-Maure-de-Touraine a pour objectif de développer la connaissance des plantes et des champignons. Des sorties sont organisées régulièrement pour découvrir, observer et identifier cette nature qui nous entoure.